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larmes, n’y put tenir davantage. Elle sanglota, s’étouffa dans son mouchoir, hoquetant douloureusement, et si déplorablement laide que je détournai d’elle mes yeux pour ne pas la voir.

— Je n’en veux pas… du châle… de l’Inde… gémissait-elle… Je veux me marier !… Je veux me marier !

— Ma fille ! s’écria mon père.

— Ma pauvre enfant ! s’écria ma mère.

— Mademoiselle ! Mademoiselle ! s’écria le receveur de l’enregistrement dont les bras allaient et venaient comme s’ils eussent poussé une longue queue sur un long billard.

Entre ses hoquets, ses sanglots, ma sœur suppliait d’une voix cassée, d’une voix étouffée dans l’humide paquet de son mouchoir :

— Je veux me marier !… Je veux me marier !

On l’entraîna dans sa chambre… Elle se laissait conduire, ainsi qu’une chose inerte, répétant :

— Je veux me marier… Je veux me marier…

Ce fut sur moi que se passa la colère de la famille. Mon père m’apercevant, tout à coup, me gifla et me poussa hors du salon, furieux.

— Et pourquoi es-tu ici ?… Qui t’a prié de venir ici ?… C’est de ta faute, ce qui arrive… Allons, va-t’en…

Ainsi, d’ailleurs, se terminaient toutes les scènes.