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feu. Et une puanteur s’élevait de son lit, comme d’un fumier.

En allant à l’ouvrage, le matin, sa femme l’enfermait à triple tour de serrure. Le soir, en rentrant, elle ne lui disait rien, ne le regardait même pas, et se couchait près du lit, sur une paillasse, où elle s’endormait d’un sommeil lourd, d’un sommeil qu’aucun rêve et qu’aucun réveil n’interrompaient. Elle se livrait, dès l’aube, à ses travaux ordinaires, avec la même activité tranquille, avec la même entente de l’ordre et de la propreté.

Le dimanche qui suivit, elle l’employa à réunir les hardes du vieux, à les raccommoder, et elle les rangea soigneusement dans un coin de l’armoire. Le soir elle alla chercher le prêtre, afin qu’il administrât son homme, car elle sentait sa fin prochaine.

— Qu’est-ce qu’il a donc, le père François ? demanda le prêtre.

— Il a la vieillesse… répondit la femme, d’un ton péremptoire… Il a la mort, quoi !… C’est son tour, à ce pauv’ vieux bonhomme.

Le prêtre oignit les membres du vieillard de ses huiles saintes, et récita quelques prières.

— Il croyait qu’il aurait été plus loin que ça… dit-il en se retirant.

— C’est son tour !… répéta la femme…

Et le lendemain, en entrant dans la chambre,