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Ses dents claquaient, une épouvante crispait sa face. Il balbutia encore :

— Laissez-moi ici… Je ne veux pas aller dans ma chambre… Je ne veux pas qu’on me mette sur mon lit.

— Monsieur Rodiguet ! Ça n’est pas raisonnable.

— Non… non… Je ne veux pas… Allez-vous… Allez… et tâtez si son cœur bat toujours.

Un murmure s’éleva de la foule.

— Qu’est-ce qu’il dit ?… Il a parlé de son cœur ?…

— Fermez-lui les yeux ! supplia M. Rodiguet.

— Mais quel cœur ?… Mais quels yeux ?… Il a perdu la raison… il déménage !

— Allez !… Allez !… Elle va être toute froide !… Ah ! mon Dieu !… Ah ! mon Dieu !… Moi, je n’irai plus jamais dans ma chambre !… Moi, je ne dormirai plus jamais dans mon lit !… Ah ! mon Dieu !… Ah ! mon Dieu !

— Il est fou ! Il est fou !

— Tiens, parbleu ! Bien sûr qu’il est fou ! Je l’avais dit tout de suite.

— Moi aussi, je l’avais dit… Ça se voit bien… Faut pas être malin.

L’homme accota M. Rodiguet à l’angle de la porte, il entra dans la maison… Au bout de quelques minutes, il revint, stupide, lui aussi, et les yeux effarés.