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La première dit ensuite :

— Allez voir s’il est mort.

Ensuite, la deuxième voix répondit :

— Oui, je crois qu’il est mort… Il ne saigne pas… mais je crois qu’il est mort…

Et le mot « mort » qui passait de lèvres en lèvres, raidit tous les cols, tendus simultanément dans la direction de M. Rodiguet, couché sur le ventre, immobile, sa barbe dans la poussière.

Alors, un homme dont les bras étaient nus et velus, et qui portait, sanglé aux reins, un tablier de cuir comme en ont les charrons, se détacha de la foule, s’approcha du corps étendu, tourna autour de lui, se pencha sur lui, mit sa main noire sur lui… et il dit :

— Il bouge… Il a bougé… Il bouge encore !

— Mais alors, s’il bouge, c’est qu’il n’est pas mort, peut-être… Retourne-le.

— Non, tape-lui dans le dos…

Et le charron annonça :

— Ses yeux remuent… Oui, ils ont remué… Ils remuent encore !

— Mais alors ?… Si ses yeux ont remué… Emmenons-le…

— Portons-le dans sa maison.

— Mettons-le sur son lit.

— Le médecin !… un médecin !… vite !

L’homme aux bras velus souleva M. Rodi-