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pour moi que s’épuise la moelle de toutes les patries. L’industrie, la science, l’art, la poésie, se font mes ardents, mes volontaires complices pour me rendre, chaque jour, plus sanguinaire, plus monstrueuse, plus inévitable. Mes trophées ornent les cathédrales, et, tous les peuples à genoux, devant mon image, ont entonné des Te Deum et des Marseillaise. Tiens, aujourd’hui, la nature est en fête ; l’or des blés croule sous la faulx joyeuse ; les parfums montent des jardins pacifiques… Qu’entends-tu ? Des chants d’amour ?… Écoute… Non… Des frémissements de colère, des cliquetis de sabre, des sonneries de clairon, et des armées qui marchent et des canons qui roulent, et la terre qui tressaille au pas des chevaux, au coup sourd des crosses de fusil.

L’Humanité

Tu mens. Et tu ne passeras pas. Tout le monde te maudit. Il n’est pas un homme qui ne se détourne de toi.

La Guerre

Tu me fais rire, en vérité. Mais je peux te convaincre. Écoute donc ce que les hommes vont me dire.

Le Paysan

Salut à toi, guerre, bonne guerre. Tu es douce au pauvre paysan et je t’aime, quoique tu me prennes mes fils… Mais mon grenier est plein de blé, et je ne sais qu’en faire. Grâce à toi, je le vendrai très