Page:Mirbeau - La Grande voix de la presse, paru dans l’Écho de Paris, 31 mai 1892.djvu/6

Cette page a été validée par deux contributeurs.

L’Interviewer (très sévère)

Vous refusez de répondre à mes questions ?… Eh bien !… Je dirai dans le Mouvement, que vous mettez de la trichine, — pardon, de la fuchsine, — dans votre vin… Je dirai que vous avez fait un enfant à votre fille, même un infanticide — je dirai que votre établissement est un repaire d’anarchistes… que votre femme couche avec le garçon… que… que… que… nous verrons, si vous persistez à vous jouer de la Presse… de la grande voix de la Presse…

L’Interviewé (effrayé et ne sachant plus que dire)

Mais je vous dis que… Sacré nom d’un chien !… C’est trop fort, tout de même… Je…

L’Interviewer (l’interrompant)

Je vous ruinerai, je vous déshonorerai !.. On ne badine pas avec la Presse !… Je vous ai déjà expliqué que la Presse, c’est la conscience universelle !… Où est votre femme ?… Puis-je voir votre femme ?

L’Interviewé (levant les bras au plafond)

Puisque je n’ai pas de femme !…

L’Interviewer (sarcastique)

Vous n’avez pas de femme et vous lui lancez des bouteilles de cassis à la tête !… Il faudrait être logique dans vos dénégations.

L’Interviewé (affolé)

Nom de nom ! de nom de nom !…