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INTERVIEW


Une chambre à coucher, très riche et de très mauvais goût. Partout des peluches hurlantes, des écrasements d’or. Au fond, une porte s’ouvre sur un cabinet de toilette, très luxueux, tout en glaces qui reflètent de nombreux bibelots d’argent… Des parfums violents rôdent et vous prennent à la gorge.

L’illustre écrivain est couché mollement dans un lit monumental élevé sur une estrade gothique, surmonté d’un dais flamboyant ! Il parcourt avidement les journaux du matin.


L’illustre écrivain (en froissant le journal)

Comment ? Rien aujourd’hui ?… Pas la moindre citation aujourd’hui ?… Les mufles, les salauds, les cochons !… Et cette canaille de Marieul qui dînait chez moi, avant-hier, et qui n’a pas trouvé le moyen de glisser mon nom dans sa chronique… Elle est forte, celle-là !… Non, mais ils s’imaginent que je les invite pour mon plaisir !… Elle est forte, celle-là !

(Entre le valet de chambre)
Le valet de chambre

Monsieur, c’est encore un reporter.

L’illustre écrivain

Quel reporter ?

Le valet de chambre

Mais le reporter de Monsieur… Celui qui vient toutes les semaines, interviewer monsieur !

L’illustre écrivain

Ah ! oui, cet imbécile !… Ce qu’il a encore me raser, celui-là !… Faites entrer.