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LE THALABA

encore dans la Grèce. Il y est d’usage de s’assembler après les repas. On se couche en rond sur un grand tapis ; tous les pieds sont dirigés vers le centre, où, dans la saison froide, on établit un trépied qui porte un brasier. Un second tapis vous recouvre jusqu’aux épaules : là, les jeunes Grecques trouvent le moyen de se déchausser sans qu’on s’en aperçoive, et rendent aux hommes, avec leurs pieds, un service dont beaucoup de femmes s’acquittent très-gauchement avec leurs mains.

En effet, ce talent n’est pas donné à toutes. Quelques-unes en ont fait à Paris une étude particulière, après une expérience consommée et une multitude d’essais. Aussi les jeunes filles qui ont la noble émulation de prétendre à une réputation en ce genre, ont grand soin d’aller prendre des leçons ; mais toutes n’y réussissent pas. Il est certain qu’il s’offre ici des difficultés de plus d’un genre.

Il ne s’agit pas d’un sentiment que l’être de la fille transmet ; elle ne fait que le provoquer. Ce n’est pas une sensation qu’elle communique par l’impulsion de son corps ; c’est une sensation que l’homme doit goûter en lui-même par l’imagination de cette fille, et qui ne devient exquise qu’autant qu’elle peut par son art prolonger la jouissance. Ce plaisir s’éteint avec l’acte, parce que l’homme jouit seul. Les délices du plaisir de la nature, au contraire, précèdent et suivent l’union intime des amants. La fille qui préside à la jouissance partielle ne doit donc s’occuper qu’à amener, exciter, entretenir une situation qui lui est étrangère, puis à la suspendre, à en retarder l’effet, loin de l’accélérer, bien moins encore de le provoquer. Toutes ses caresses doivent être modifiées avec des nuances infiniment délicates ; la complaisante prêtresse ne peut pas s’aban-