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NOTES SUR

Privés ainsi de tous les caractères de leur sexe, et n’inspirant plus de craintes par leur impuissance complète, ils sont reconnus capables de l’emploi d’eunuque, et dès lors ils ont le droit d’approcher des femmes renfermées dans les harems. Sans aucune sensibilité quelconque, pâles et d’une démarche traînante, imberbes et le corps flétri, bien que jeunes encore, ils portent sur un visage profondément sillonné de rides tous les signes d’une vieillesse prématurée ; et l’on pourrait dire d’eux ce que saint Chrysostôme disait de l’eunuque Eutrope : « Quand son fard est ôté, son visage paraît plus laid et plus ridé que celui d’une vieille femme. »

Une fois revêtus de cet emploi, souples et sûrs ministres des plaisirs capricieux de leurs maîtres, de méprisables valets qu’ils étaient, ils parviennent quelquefois, en rompant adroitement, jusqu’à la plus haute faveur. Quelques eunuques, au sommet de la puissance, ont exécuté de grandes choses ; mais comme la mutilation influe beaucoup sur le moral, leurs vices ont toujours dominé, et ils se sont souvent vengés sur le genre humain de la condition avilissante où ils étaient condamnés ; c’est dans leur sein que l’on a vu s’amonceler les orages qui ont renversé des États.

Une sorte d’eunuques, non moins fameux par leurs infâmes débauches que par leur dégradation, auxquels les Romains, du temps de l’empire, extirpaient les testicules, sont de ces misérables qui faisaient le plus indigne abus de la verge qu’on leur avait conservée. Les dames romaines en raffolaient, et Juvénal en donne la raison lorsqu’il dit[1] :

Sunt quas eunuchi imbelles ac mollia semper
Oscula delectent, ac desperatio barbæ,
Et quod abortivo non est opus. Illa voluptas
Summa tamen, quod jam calida matura jumenta,

  1. Liv. II, sat. 6, v. 565 à 579. (Voyez l’Erotika Biblion, page 89.)