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meaux. Ceci nous ordonne de chercher quelque meilleur abri, quelque chaleur meilleure pour ranimer nos membres engourdis, avant que cet astre du jour laisse le froid à la nuit ; cherchons comment nous pouvons, avec ses rayons recueillis et réfléchis, animer une matière sèche, ou comment, par la collision de deux corps rapidement tournés, le frottement peut enflammer l’air : ainsi tout à l’heure les nuages se heurtant, ou poussés par les vents, rudes dans leur choc, ont fait partir l’éclair oblique dont la flamme, descendue en serpentant, a embrasé l’écorce résineuse du pin et du sapin et répandu au loin une agréable chaleur qui peut suppléer le soleil. User de ce feu, et de ce qui d’ailleurs peut soulager ou guérir les maux que nos fautes ont produits, c’est ce dont nous instruira notre Juge, en le priant et en implorant sa merci : nous n’avons donc pas à craindre de passer incommodément cette vie, soutenus de lui par divers conforts, jusqu’à ce que nous finissions dans la poussière, notre dernier repos et notre demeure natale.

« Que pouvons-nous faire de mieux que de retourner au lieu où il nous a jugés, de tomber prosternés révérencieusement devant lui, là de confesser humblement nos fautes, d’implorer notre pardon, baignant la terre de larmes, remplissant l’air de nos soupirs poussés par des cœurs contrits, en signe d’une douleur sincère et d’une humiliation profonde ? Sans doute, il s’apaisera, et reviendra de son déplaisir. Dans ses regards sereins, lorsqu’il semblait être le plus irrité et le plus sévère, y brillait-il autre chose que faveur, grâce et merci ? »

Ainsi parla notre père pénitent ; Ève ne sentit pas moins de remords : ils allèrent aussitôt à la place où Dieu les avait jugés ; ils tombèrent prosternés révérencieusement devant lui, et tous deux confessèrent humblement leur faute, et implorèrent leur pardon, baignant la terre de larmes, remplissant l’air de leurs soupirs poussés par des cœurs contrits, en signe d’une douleur sincère et d’une humiliation profonde.