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Olympias, le second avec celle qui enfanta Scipion, la grandeur de Rome.

D’une course oblique, comme quelqu’un qui cherche accès auprès d’une personne, mais qui craint de l’interrompre, il trace d’abord son chemin de côté : tel qu’un vaisseau manœuvré par un pilote habile à l’embouchure d’une rivière ou près d’un cap, autant de fois il vire de bord et change sa voile ; ainsi Satan variait ses mouvements, et de sa queue formait de capricieux anneaux à la vue d’Ève, pour amorcer ses regards.

Occupée, elle entendit le bruit des feuilles froissées ; mais elle n’y fit aucune attention, accoutumée qu’elle était dans les champs à voir se jouer devant elle toutes les bêtes, plus soumises à sa voix que ne le fut à la voix de Circé le troupeau métamorphosé.

Plus hardi alors, le serpent non appelé se tint devant Ève, mais comme dans l’étonnement de l’admiration, souvent d’une manière caressante il baissait sa crête superbe, son cou poli ou émaillé, et léchait la terre qu’Ève avait foulée. Sa gentille expression muette amène enfin les regards d’Ève à remarquer son badinage. Ravi d’avoir fixé son attention, Satan avec la langue organique du serpent, ou par l’impulsion de l’air vocal, commença de la sorte sa tentation astucieuse :

« Ne sois pas émerveillée, maîtresse souveraine, si tu peux l’être, toi qui es la seule merveille. Encore moins n’arme pas de mépris ton regard, ciel de la douceur, irritée que je m’approche de toi et que je te contemple insatiable : moi ainsi seul, je n’ai pas craint ton front, plus imposant encore ainsi retirée. Ô la plus belle ressemblance de ton beau Créateur ! toi, toutes les choses vivantes t’admirent, toutes les choses, qui t’appartiennent en don adorent ta beauté céleste contemplée avec ravissement. La beauté considérée davantage là où elle est universellement admirée ; mais ici, dans cet enclos sauvage, parmi ces bêtes (spectateurs grossiers et insuffisants pour discerner la moitié de ce qui en toi est beau), un homme excepté qui te voit ! Et qu’est-ce qu’un seul à te voir, toi qui de-