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de nouveaux, pour rendre plus fidèlement le texte ; c’est surtout dans les mots négatifs que j’ai pris cette licence ; on trouvera donc inadorée, imparité, inabstinence, etc. On compte cinq ou six cents mots dans Milton qu’on ne trouve dans aucun dictionnaire anglais. Johnson, parlant du grand poëte, s’exprime ainsi :

Through all his greater works there prevails an uniform peculiarity of DICTION, a mode and cast of expression which bears little resemblance to that of any former writer, and which is so far removed from common use, that an unlearned reader when he first opens his book, finds himself surprised by a new language… our language, says Addison, sunk under him.

« Dans tous les plus grands ouvrages de Milton prévalent une uniforme singularité de diction, un mode et un tour d’expression qui ont peu de ressemblance avec ceux d’aucun écrivain précédent, et qui sont si éloignés de l’usage ordinaire, qu’un lecteur non lettré, quand il ouvre son livre pour la première fois, se trouve surpris par une langue nouvelle… Notre langue, dit Addison, s’abat (ou s’enfonce ou coule bas) sous lui. »

Milton imite sans cesse les anciens ; s’il fallait citer tout ce qu’il imite, on ferait un in-folio de notes : pourtant quelques notes seraient curieuses et d’autres seraient utiles pour l’intelligence du texte.

Le poëte, d’après la Genèse, parle de l’esprit qui féconda l’abîme. Du Bartas avait dit :


D’une même façon l’esprit de l’Éternel

Semble couver ce gouffre.


L’obscurité ou les ténèbres visibles rappellent l’expression de Sénèque : non ut per tenebras videamus, sed ut ipsas.

Satan élevant sa tête au-dessus du lac de feu est une image empruntée à l’Énéide :


Pectora quorum inter fluctus arrecta.


Milton faisant dire à Satan que régner dans l’Enfer est digne d’ambition traduit Grotius : Regnare dignum est ambitu, etsi in Tartaro.

La comparaison des anges tombés aux feuilles de l’automne est prise de l’Iliade et de l’Énéide. Lorsque, dans son invocation le poëte s’écrie