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pour quelle cause ; ce qui fut fait en dedans ou en dehors d’Éden, avec ce dont il a souvenir. Comme un homme de qui l’altération est à peine soulagée, suit de l’œil le cours du ruisseau dont le liquide murmure entendu excite une soif nouvelle, Adam procède de la sorte à interroger son hôte céleste :

« De grandes choses et pleines de merveilles, bien différentes de celles de ce monde, tu as révélées à nos oreilles, interprète divin, par faveur envoyé de l’empyrée pour nous avertir à temps de ce qui aurait pu causer notre perte, s’il nous eût été inconnu, l’humaine connaissance n’y pouvant atteindre. Nous devons des remerciements immortels à l’infinie bonté, et nous recevons son avertissement avec une résolution solennelle d’observer invariablement sa volonté souveraine, la fin de ce que nous sommes. Mais puisque tu as daigné avec complaisance nous faire part pour notre instruction de choses au-dessus de la pensée terrestre (choses qu’il nous importait de savoir comme il l’a semblé à la suprême sagesse) ; daigne maintenant descendre plus bas, et nous raconter ce qui peut-être il ne nous est pas moins utile de savoir : quand commença ce ciel que nous voyons si distant et si haut orné de feux mouvants et innombrables ; qu’est-ce que cet air ambiant qui donne ou remplit tout espace, cet air largement répandu embrassant tout autour cette terre fleurie ; quelle cause mut le Créateur, dans son saint repos de toute éternité, à bâtir si tard dans le chaos ; et comment l’ouvrage commencé fut tôt achevé ? S’il ne t’est pas défendu, tu peux nous dévoiler ce que nous demandons, non pour sonder les secrets de son éternel empire, mais pour glorifier d’autant plus ses œuvres que nous les connaîtrons davantage.

« Et la grande lumière du jour a encore à parcourir beaucoup de sa carrière, quoique déjà sur son déclin ; suspendu dans le ciel, le soleil retenu par ta voix, écoute ta voix puissante ; il s’arrêtera plus longtemps pour te ouïr raconter son origine, et le lever de la nature du sein du confus abîme. Ou si l’étoile du soir et la lune à ton audience se hâtent, la Nuit