Page:Milton - Le Paradis perdu, trad. de Chateaubriand, Renault et Cie, 1861.djvu/166

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chasse-les de toutes les limites du ciel dans l’abîme extérieur. Là, qu’ils apprennent, puisque cela leur plaît, à mépriser Dieu, et le Messie son roi consacré. » —

« Il dit, et sur son Fils ses rayons directs brillent en plein ; lui reçut ineffablement sur son visage tout son Père pleinement exprimé, et la Divinité filiale répondit ainsi :

« Ô Père, ô Souverain des Trônes célestes ! le Premier, le Très-Haut, le Très-Saint, le Meilleur ! tu as toujours cherché à glorifier ton Fils ; moi, toujours à te glorifier, comme il est très-juste. Ceci est ma gloire, mon élévation, et toute ma félicité, que, te complaisant en moi, tu déclares ta volonté accomplie : l’accomplir est tout mon bonheur. Le sceptre et le pouvoir, ton présent, je les accepte, et avec plus de joie je te les rendrai, lorsqu’à la fin des temps tu seras tout en tout, et moi en toi pour toujours, et en moi tous ceux que tu aimes.

« Mais celui que tu hais, je le hais, et je puis me revêtir de tes terreurs, comme je me revêts de tes miséricordes, image de toi en toutes choses. Armé de ta puissance, j’affranchirai bientôt le ciel de ces rebelles, précipités dans leur mauvaise demeure préparée ; ils seront livrés à des chaînes de ténèbres et au ver qui ne meurt point, ces méchants qui ont pu se révolter contre l’obéissance qui t’est due, toi à qui obéir est la félicité suprême ! Alors ces saints, sans mélange, et séparés loin des impurs, entoureront ta montagne sacrée, te chanteront des alleluia sincères, des hymnes de haute louange, et avec eux, moi leur chef. » —

« Il dit : s’inclinant sur son sceptre, il se leva de la droite de gloire où il siège : et le troisième matin sacré perçant à travers le ciel, commençait à briller. Soudain s’élance, avec le bruit d’un tourbillon, le chariot de la Divinité paternelle, jetant d’épaisses flammes, roues dans les roues, char non tiré moins animé d’un esprit, et escorté de quatre formes de chérubins. Ces figures ont chacune quatre faces surprenantes ; tout leur corps et leurs ailes sont semés d’yeux semblables à des étoiles ; les roues de béril ont aussi des yeux, et dans leur