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des pensées plus humbles, broyés qu’ils furent par des blessures effroyables, malgré la cuirasse et la cotte de mailles. Abdiel n’oublia pas de fatiguer la troupe athée ; à coups redoublés il renversa Ariel, Arioc, et la violence de Ramiel, écorché et brûlé.

« Je pourrais parler de mille autres et éterniser leurs noms ici sur la terre ; mais ces anges élus, contents de leur renommée dans le ciel, ne cherchent pas l’approbation des hommes. Quant aux autres, bien qu’étonnants en puissance, en actions de guerre, et avides de renommée, comme ils sont par arrêt effacés du ciel et de la mémoire sacrée, laissons-les habiter sans nom le noir oubli. La force séparée de la vérité et de la justice, indigne de louange, ne mérite que reproche et ignominie : toutefois, vaine et arrogante, elle aspire à la gloire, et cherche à devenir fameuse par l’infamie : que l’éternel silence soit son partage !

« Et maintenant, leurs plus puissants chefs abattus, l’armée plia, par plusieurs charges enfoncée : la déroute informe et le honteux désordre y entrèrent ; le champ de bataille était semé d’armes brisées ; les chars et leurs conducteurs, les coursiers de flammes écumants, étaient renversés en monceaux. Ce qui reste debout recule et accablé de fatigue dans l’ost satanique exténué qui se défend à peine ; surpris par la pâle frayeur et par le sentiment de la douleur, ces anges fuient ignominieusement, amenés à ce mal par le péché de la désobéissance : jusqu’à cette heure, ils n’avaient été assujettis ni à la crainte, ni à la fuite, ni à la douleur.

« Il en était tout autrement des inviolables saints ; d’un pas assuré en phalange carrée, ils avançaient entiers, invulnérables, impénétrablement armés ; tel était l’immense avantage que leur donnait leur innocence sur leurs ennemis ; pour n’avoir pas péché, pour n’avoir pas désobéi, au combat ils demeuraient sans fatigue, inexposés à souffrir des blessures, bien que de leur rang par la violence écartés.

« La nuit à présent commençait sa course ; répandant dans