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dans un réduit fermé avec des fleurs, des guirlandes et des herbes d’une suave odeur, Ève épousée embellit pour la première fois sa couche nuptiale, et les cœurs célestes chantèrent l’épithalame. Ce jour-là l’ange de l’hymen amena Ève à notre Père dans sa beauté nue, plus ornée, plus charmante que Pandore, que les dieux dotèrent de tous leurs dons (oh ! trop semblable à elle par le triste événement), alors que conduite par Hermès au fils imprudent de Japhet, elle enlaça l’espèce humaine dans ses beaux regards, afin de venger Jupiter de celui qui avait dérobé le feu authentique.

Ainsi arrivés à leur berceau ombragé, Ève et Adam tous deux s’arrêtèrent, tous deux se retournèrent, et sous le ciel ouvert ils adorèrent le Dieu qui fit à la fois le ciel, l’air, la terre, le ciel qu’ils voyaient, le globe resplendissant de la lune, et le pôle étoilé.

« Tu as aussi fait la nuit, Créateur tout-puissant ! et tu as fait le jour que nous avons employé et fini dans notre travail prescrit, heureux de notre assistance mutuelle, et de notre mutuel amour, couronne de toute cette félicité ordonnée par toi ! Et tu as fait ce lieu délicieux trop vaste pour nous, où l’abondance manque de partageants et tombe sur le sol non moissonnée. Mais tu nous as promis une race issue de nous qui remplira la terre, qui glorifiera avec nous ta bonté infinie, et quand nous nous éveillons, et quand nous cherchons, comme à cette heure, le sommeil, ton présent. »

Ils dirent ainsi unanimes, n’observant d’autres rites qu’une adoration pure que Dieu aime le mieux. Ils entrèrent en se tenant par la main dans l’endroit le plus secret de leur berceau, et n’ayant point la peine de se débarrasser de ces incommodes déguisements que nous portons, ils se couchèrent l’un près de l’autre. Adam ne se détourna pas, je pense, de sa belle épouse, ni Ève ne refusa pas les rites mystérieux de l’amour conjugal, malgré tout ce que disent austèrement les hypocrites de la pureté, du paradis, de l’innocence, diffamant comme impur ce que Dieu déclare pur, ce qu’il commande à quelques-uns, ce