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ment par ignorance ? Est-ce là leur état fortuné, preuve de leur obéissance et de leur foi ? Quel heureux fondement posé pour y bâtir leur ruine ! Par là j’exciterai dans leur esprit un plus grand désir de savoir et de rejeter un commandement envieux, inventé dans le dessein de tenir abaissés ceux que la science élèverait à la hauteur des dieux : aspirant à devenir tels ils goûtent et meurent ! Quoi de plus vraisemblable ? Mais d’abord, avec de minutieuses recherches, marchons autour de ce jardin et ne laissons aucun recoin sans l’avoir examiné. Le hasard, mais le hasard seul, peut me conduire là où je rencontrerai quelque esprit du ciel, errant au bord d’une fontaine, ou retiré dans l’épaisseur de l’ombre ; j’apprendrai de lui ce que j’ai encore à apprendre. Vivez tandis que vous le pouvez encore, couple heureux encore ! jouissez, jusqu’à ce que je revienne, de ces courts plaisirs ; de longs malheurs vont les suivre ! »

Ainsi disant il tourne dédaigneusement ailleurs ses pas superbes, mais avec une circonspection artificieuse, et il commença sa recherche à travers les bois et les plaines, sur les collines et dans les vallées.

Cependant aux extrémités de l’occident, où le ciel rencontre l’Océan et la terre : le soleil couchant descendait avec lenteur, et frappait horizontalement de ses rayons du soir la porte orientale du paradis. C’était un roc d’albâtre montant jusqu’aux nues, et que l’on découvrait de loin. Un sentier tortueux, accessible du côté de la terre, menait à une entrée élevée ; le reste était un pic escarpé qui surplombait en s’élevant et qu’on ne pouvait gravir.

Entre les deux piliers du roc, se tenait assis Gabriel, chef des gardes angéliques ; il attendait la nuit. Autour de lui s’exerçait à des jeux héroïques la jeunesse du ciel désarmée ; mais près d’elle des armures divines, des boucliers, des casques et des lances suspendues en faisceaux, brillaient du feu du diamant et de l’or.

Là descendit Uriel glissant à travers le soir sur un rayon du