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La vieillesse berçait mon cœur comme une folle un enfant mort,
Le silence ne m’aimait plus. La lampe s’éteignit.

Mais sous le poids de la Montagne des ténèbres
Je sentis que l’Amour comme un soleil intérieur
Se levait sur les vieux pays de la mémoire et que je m’envolais
Bien loin, bien loin, comme jadis, dans mes voyages de dormeur.

IV

— « C’est le troisième jour. » — Et je tressaillis, car la voix
Me venait de mon cœur. Elle était la voix de ma vie.
— « C’est le troisième jour. » — Et je ne dormais plus, et je savais que l’heure
De la prière du matin était venue. Mais j’étais las

Et je pensais aux choses que je devais revoir ; car c’était là
L’archipel séduisant et l’île du Milieu,
La vaporeuse, la pure qui disparut jadis
Avec le tombeau de corail de ma jeunesse

Et s’assoupit aux pieds du cyclope de lave. Et devant moi,
Sur la colline, il y avait le château d’eau avec
Les lianes d’Eden et les velours de vétusté
Sur les degrés usés par les pieds de la lune ; et là, à droite,

Dans la belle éclaircie au mitan du bocage,
Les ruines couleur de soleil ! et là, point de passage

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