Page:Milosz - Poèmes, 1929.djvu/68

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais sous la lampe et mon Hypérion sur les genoux,
La vieillesse était assise : et elle ne leva pas la tête.

III

Écoute bien, ma sœur d’ici. C’était la vieille chambre bleue
De la maison de mon enfance.
J’étais né là.
C’est là aussi

Que m’apparut jadis, dans le recueillement de la vigile,
Mon premier arbre de Noël, cet arbre mort devenu ange
Qui sort de la profonde et amère forêt,
Qui sort tout allumé des vieilles profondeurs

De la forêt glacée et chemine tout seul,
Roi des marais neigeux, avec ses feux follets
Repentis et sanctifiés, dans la belle campagne silencieuse et blanche :
Et voici les fenêtres d’or de la maison de l’enfant sage.

Vieux, très vieux jours ! si beaux, si purs ! c’était la même chambre
Mais froide pour toujours, mais muette, mais grise.
Elle semblait avoir à jamais oublié
Le feu et le grillon des anciennes veillées.

Il n’y avait plus de parents, plus d’amis, plus de serviteurs !
Il n’y avait que la vieillesse, le silence et la lampe.

64