D’étonnement muet frappait nos tristes cœurs. — Tout cela, tout cela
Quand l’amour qui n’est plus n’était pas né encore.
II
Solitude, ma mère, redites-moi ma vie ! voici
Le mur sans crucifix et la table et le livre
Fermé ! si l’impossible attendu si longtemps
Frappait à la fenêtre, comme le rouge-gorge au cœur gelé,
Qui donc se lèverait ici pour lui ouvrir ? Appel
Du chasseur attardé dans les marais livides,
Le dernier cri de la jeunesse faiblit et meurt : la chute d’une seule feuille
Remplit d’effroi le cœur muet de la forêt.
Qu’es-tu donc, triste cœur ? une chambre assoupie
Où, les coudes sur le livre fermé, le fils prodigue
Écoute sonner la vieille mouche bleue de l’enfance ?
Ou un miroir qui se souvient ? ou un tombeau que le voleur a réveillé ?
Lointains heureux portés par le soupir du soir, nuages d’or,
Beaux navires chargés de manne par les anges ! est-ce vrai
Que tous, tous vous avez cessé de m’aimer, que jamais,
Jamais je ne vous verrai plus à travers le cristal
De l’enfance ? que vos couleurs, vos voix et mon amour,
Que tout cela fut moins que l’éclair de la guêpe