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De vingt maîtres divers adulateur banal,
Que pour oser penser il attende un signal !
Le sage en tous les temps garde son caractère :
Tyrans ! il vous poursuit de sa franchise austère ;
Et, libre sous le poids de votre autorité,
En présence du glaive il dit la vérité.
Là Caton, qu’un despote honore de sa haine,
Va rejoindre au tombeau la liberté romaine ;
Là Socrate, épuisant la coupe de la mort,
De son dernier sommeil tranquillement s’endort.
L’homme obscur peut frémir, tout entier il succombe,
Et l’éternel oubli vient peser sur sa tombe ;
Le sage ne meurt point. Sous la main des bourreaux,
Il défend à la mort d’effacer ses travaux ;
Il la voit, il l’attend, sans pâlir d’épouvante :
Le grand homme n’est plus ; mais sa gloire est vivante.

De ses persécuteurs s’il trompe les poignards,
Nous révérons en lui le Nestor des beaux arts.
Son âme tout entière en ses écrits respire,