Page:Millevoye - L’Indépendance de l’homme de lettres, 1806.djvu/11

Cette page a été validée par deux contributeurs.
(12)

 
Dévoûment vertueux ! témérité sublime !
Tel est du vrai talent l’abandon magnanime.
La tyrannie en vain prétend l’anéantir,
En vain de son exil l’arrêt va retentir :
Il n’est point de déserts, point d’exil pour le sage ;
Ces sables dévorants, ces plaines sans ombrage,
Ces antres, ces rochers, n’ont pour lui rien d’affreux ;
Seul, errant et proscrit, il n’est point malheureux :
L’étude, objet constant de son idolâtrie,
Au bout de l’univers lui fonde une patrie.

Mais pour l’ensevelir les cachots sont ouverts ;
Il y descend, courbé sous le poids de ses fers…
Calme, il répète encore à l’oppresseur qu’il brave :
« Je ne suis qu’enchaîné, je ne suis point esclave. »
Sur ce mur ténébreux, son muet confident,
Il trace avec sa chaîne un vers indépendant !

Qu’un servile mortel à plaisir s’humilie ;
Qu’au parti du vainqueur son effroi le rallie ;