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C’est peu que l’écrivain, armé de ses ouvrages,
Des destins ennemis affronte les outrages ;
C’est peu que sa vertu brave l’adversité ;
Elle résiste encore à la prospérité.
Libre à la cour, soumis aux rois, mais sans bassesse,
Devant eux il s’incline, et jamais ne s’abaisse :
Si le crime puissant veut contraindre sa voix
À chanter l’injustice, et le mépris des lois.
Ferme, et se reposant sur sa vertu rigide,
Il oppose au pouvoir un silence intrépide.
D’un généreux transport son grand cœur animé,
Quel que soit l’oppresseur, protège l’opprimé ;
Et, demeurant fidèle au parti qu’il embrasse,
Partage noblement une noble disgrâce.
Quand Fouquet de Louis eut perdu la faveur,
La Fontaine resta l’ami de son malheur :
D’un cœur naïf et pur déployant l’énergie,
Il fit sur son destin soupirer l’élégie ;
Et, laissant les flatteurs à leur vulgaire effroi,
Il chanta son ami, même devant son roi.