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rapport entre l’utilité et la justice

distinction ne se trouve à la base des notions de justice et d’injustice, que nous qualifions une conduite d’injuste ou de quelque autre terme dépréciateur, suivant que nous pensons qu’une personne doit ou ne doit pas être punie à cause de cette conduite. Nous disons alors qu’il serait juste d’agir de telle ou de telle façon, ou simplement que ce serait désirable et louable selon que nous voudrions voir la personne en cause forcée ou exhortée à agir de cette manière[1].

Donc, la différence caractéristique qui sépare non la justice, mais la morale en général, des autres branches de l’Utilité et du Mérite étant définie, il reste encore à chercher le caractère qui distingue la justice des autres branches de la morale. On sait que les moralistes divisent les devoirs moraux en deux classes désignées par les expressions mal choisies de devoirs d’obligation parfaite, et de devoirs d’obligation imparfaite ; cette dernière expression se rapporte aux cas dans lesquels l’acte est obligatoire, mais où les occasions particulières de l’accomplir

  1. Voyez ce que dit, en ce sens, le professeur Bain dans l’admirable chapitre (les Émotions Éthiques, ou le Sens Moral) du second des deux traités qui composent l’ouvrage si pensé, si profond de l’Esprit.