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l’utilitarisme

manières différentes de nommer un même fait psychologique : penser à un objet comme désirable (à moins qu’on ne le désire que pour ses conséquences) ou penser à lui comme agréable, c’est une seule et même chose ; et désirer une chose sans que ce désir soit proportionné à l’idée de plaisir qui s’y attache, c’est une impossibilité physique et métaphysique.

Ce fait me paraît si évident, que je m’attends à le voir à peine discuté. On ne m’objectera pas que le désir peut avoir un but suprême autre que le plaisir et l’exemption de la souffrance, mais on me dira peut-être que la volonté et le désir sont deux choses différentes. Ainsi, une personne vertueuse ou agissant d’après des intentions fixes réalisera ses intentions sans penser au plaisir qu’elle pourrait prendre en les contemplant ou qu’elle attend de leur réalisation ; et elle persistera à agir ainsi, quand même ces plaisirs devraient diminuer, soit par un changement dans son caractère, soit par une décadence de ses sensations passives, soit par une augmentation dans les souffrances que peut déterminer la réalisation de ses projets. J’admets tout ceci, j’ai déjà montré que j’en étais aussi convaincu que personne. La volonté, le phénomène actif, est différente du désir, état de sensibilité passive ; à l’origine elle était comme le reje-