Page:Mill - L'Utilitarisme.djvu/73

Cette page a été validée par deux contributeurs.
70
l’utilitarisme

la conception individuelle du bonheur. On peut dire la même chose des grands buts de la vie humaine, du pouvoir par exemple, ou de la gloire : il ne faut pas oublier pourtant, qu’à ces deux choses est annexée une certaine somme de plaisir immédiat qu’on pourrait croire naturellement inhérent, ce qu’on ne peut pas dire de l’argent. En outre, ce qui fait le plus grand attrait naturel du pouvoir et de la gloire, c’est l’aide immense donnée par eux pour la réalisation de nos autres désirs. C’est cette forte association établie entre nos autres désirs et les désirs du pouvoir et de la gloire qui donne à ces derniers une intensité particulière, dominante dans certains caractères. Dans ce cas les moyens sont devenus une partie du but, et partie plus importante que celle qui est formée par tous les autres moyens. Ce qui est une fois désiré comme moyen pour atteindre le bonheur, est arrivé à être désiré en soi ; mais il est toujours désiré comme partie du bonheur. La personne est ou croit qu’elle est heureuse par la possession de ce moyen, comme elle se croirait malheureuse si elle le perdait. Le désir dans ce cas n’est pas plus différent du désir du bonheur que l’amour de la musique ou le désir de la santé. Ces choses sont comprises dans le bonheur, elles en sont