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rapport entre l’utilité et la justice

esclaves. D’autres, prenant le revers de la question, soutiennent que tout le monde devrait payer une taxe égale par tête, afin que la personne de chacun fût protégée (cette protection ayant une valeur égale pour chacun), et une taxe inégale pour la protection donnée aux propriétés (qui sont inégales). — A ceci, d’autres répondent que le tout de chacun a une valeur égale pour chacun. Il n’y a pas d’autre moyen de trancher toutes ces difficultés, de sortir de ces confusions, que de faire appel à l’utilitarisme.

La différence faite entre le juste et l’utile est-elle donc une distinction imaginaire ? L’humanité était-elle donc sous l’empire de l’illusion en croyant que la justice est une chose plus sacrée que la politique et qu’on ne doit écouter la seconde qu’après avoir satisfait à la première ? Nullement. L’exposition que nous avons faite de la nature et de l’origine du sentiment de la justice montre qu’il existe une réelle distinction ; et personne, parmi ceux qui professent le plus sublime mépris pour les conséquences des actions considérées comme un élément de leur moralité, n’attache plus d’importance que je ne le fais à cette distinction. Pendant que je discute les prétentions des théories qui s’appuient sur un principe de justice non fondé sur l’utilité, je considère la justice