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rapport entre l’utilité et la justice

peut demander de ce résultat, c’est une espèce de vol ; s’il ne reçoit pas plus que les autres, on ne peut pas lui demander de produire plus ; il ne doit donner à la société qu’une quantité moindre de temps et d’efforts, quantité proportionnelle à sa supériorité effective. Qui décidera entre ces appels à deux principes contradictoires de justice ? La justice donne les deux côtés de la question ; il est impossible de les harmoniser ; deux adversaires choisissent les deux côtés opposés ; l’un ne voit que ce qu’il est juste que reçoive l’individu ; l’autre ce qu’il est juste que donne la société. Ces deux points de vue sont exacts l’un et l’autre, on ne peut les détruire ; tout choix entre l’un des deux, si l’on se place sur le terrain de la justice, serait parfaitement arbitraire. – L’utilité sociale peut seule décider entre les deux.

Et encore, que de principes de justice inconciliables auxquels on réfère en discutant la répartition de l’impôt ! L’un soutient que le paiement à l’état doit être proportionné aux moyens pécuniaires ; d’autres pensent que la justice commande l’impôt progressif qui consisterait à percevoir plus de ceux qui ont plus à épargner. Au point de vue de la justice naturelle on peut très bien trouver qu’il ne faut pas tenir compte des moyens et qu’il faut demander à