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été celle d’un contrat primitif : à une époque inconnue, tous les membres de la société se seraient engagés à obéir aux lois et auraient consenti à être punis s’ils y désobéissaient ; ils auraient ainsi donné à leurs législateurs le droit, que ceux-ci n’auraient sans doute pas eu sans cela, de punir les individus, soit pour leur propre bien, soit pour celui de la société. On trouvait que cette jolie invention levait toutes les difficultés et légitimait le châtiment en vertu de la maxime acceptée : volenti non fit injuria, ce qui est fait avec le consentement de la personne qu’on suppose atteinte n’est pas injuste. Je dois à peine faire remarquer que, même si ce consentement n’était pas une fiction, cette maxime n’a pas une autorité supérieure à celle des autres maximes qu’elle remplace. Au contraire, c’est même un spécimen instructif de la manière incertaine et irrégulière dont se forment les soi-disant principes de justice. Évidemment le principe en question a été mis en usage pour répondre aux grossières exigences des cours de justice, qui sont souvent obligées de se contenter d’assertions incertaines afin d’éviter les maux plus grands qui naîtraient d’une tentative faite pour arriver à une décision plus exacte. Mais les cours de justice elles-mêmes ne peuvent pas adhérer constamment à un