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rapport entre l’utilité et la justice

de l’obligation, ni l’énergie particulière du sentiment, c’est parce qu’il entre dans la composition de ce sentiment non seulement un élément rationnel, mais encore un élément animal, la soif des représailles ; cet élément tire son intensité aussi bien que sa justification morale, de l’espèce d’utilité extraordinairement importante et puissante qui s’y rapporte. L’intérêt en cause est celui de la sécurité, le plus vital de tous les intérêts pour les sentiments de chacun. Presque tous les autres biens terrestres peuvent être nécessaires à une personne, et non à une autre ; beaucoup peuvent, s’il est nécessaire, être sacrifiés gaiement ou remplacés par d’autres ; mais aucun homme ne peut faire la moindre chose sans la sécurité. C’est d’elle que nous dépendons lorsque nous voulons nous soustraire au mal, et donner au bien toute sa valeur, pour une durée autre que le moment actuel. Rien n’aurait de valeur pour nous, sinon pendant un instant aussitôt passé, si nous pouvions être dépouillés d’un bien un instant après l’avoir possédé, par quelqu’un de momentanément plus fort que nous. Cette sécurité, nécessité la plus indispensable après celle de la nourriture, ne peut exister que si le mécanisme chargé de la produire fonctionne avec activité et continuité. Donc, l’idée des