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Le mot de propagande que je viens d’employer à plusieurs reprises est bien le mot qui convient à notre cause, à notre but et à nos moyens. Permettez-moi d’y insister quelques instants.

Je ne crois pas exagérer en disant que l’Espéranto a le don de faire naître chez la plupart de ses adeptes cet état d’esprit particulier que traduit à merveille le mot de propagande. C’est, en effet, une sorte de foi et d’enthousiasme qui pousse invinciblement ceux qui ont goûté à l’Espéranto à annoncer à tous la bonne nouvelle. La conviction où nous sommes que le progrès de la civilisation est intimement lié au triomphe de la langue internationale, et que, en travaillant à ce triomphe, quelque obscurément que ce soit, nous accomplissons le devoir qui incombe à chaque homme de chercher la vérité et de la servir, suffirait à expliquer et à légitimer le zèle propagandiste le plus ardent des adeptes de l’Espéranto.

Mais ce n’est pas tout.

L’Espéranto possède un élément plus personnel encore, se je puis dire ainsi, et qui exerce sur les esprits une fascination particulière. À mesure qu’on se familiarise avec lui, l’on subit le charme extraordinaire de sa merveilleuse simplicité unie à la richesse prodigieuse de ses ressources. Il nous apparaît tantôt comme une de ces vérités mathématiques belles et resplendissantes de leur seule lumineuse clarté, tantôt comme un de ces chefs-d’œuvre de la statuaire antique où la noble simplicité des lignes recèle les trésors les plus complexes de l’art et de la beauté.

Alors, l’on s’éprend pour l’Espéranto de cet amour désintéressé qu’inspirent les belles choses, et de cet amour désintéressé au prosélytisme, il n’y a qu’un pas vite franchi.

Je ne pense pas m’abuser, Mesdames et Messieurs, en estimant que c’est là l’esprit qui anime les propagandistes de l’Espéranto. Sans parler de ceux qui, comme Zamenhof lui-même et L. de Beaufront, ont sacrifié à cette cause leur fortune et leur vie, il existe en ce moment, tant en France qu’à l’étranger, des milliers d’hommes que la foi espérantiste pousse à l’action, et, j’éprouve à le dire un vif sentiment de fierté patriotique, notre pays est au premier rang dans cette lutte contre la routine, contre les préjugés, contre les vieilles animosités internationales qui sont au fond de toutes les résistances opposées à la langue internationale.

Pour ne pas mettre votre patience à une trop longue épreuve, je me contenterai d’une énumération rapide des moyens de propagande de l’Espéranto.

Il y a à l’heure qu’il est, dispersées sur tous les points du monde civilisé, 75 sociétés espérantistes, divisées en plusieurs centaines de groupes. (Il m’a été impossible de me procurer