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I

Je suis sûr, Mesdames et Messieurs, qu’en recevant notre convocation, plus d’une et plus d’un parmi vous a dû s’écrier : « Encore un groupe ! encore une société ! Le besoin s’en faisait vraiment sentir à Tarbes ! »

Et en jetant les yeux sur la colonne de gauche : « Qu’est-ce que c’est que ce jargon-là ? À quoi ça peut-il bien servir ? »

Je vais donc tâcher de répondre : aux questions, d’abord ; aux exclamations, ensuite.

Ce jargon, vous le savez déjà, Mesdames et Messieurs, c’est l’Espéranto, la langue internationale que ses partisans croient digne de devenir la seconde langue du monde civilisé.

Il en est parmi vous qui déjà connaissent et aiment l’Espéranto. Ceux-là voudront bien appliquer à ce que je vais en dire cette traduction libre de l’adage latin :

Quand on aime une chose, on en reprend deux fois.

Pour les autres, l’Espéranto est plutôt un méconnu qu’un inconnu. Vous ne le connaissez qu’à travers les plaisanteries des petits journaux, c’est-à-dire très mal.

Je devrai donc en parler assez bien pour satisfaire à l’amour des uns, et assez clairement et assez impartialement pour vaincre les préventions des autres. J’ai donc besoin d’indulgence. Je la réclame.

J’allais me mettre à vous parler tout de suite de l’Espéranto, mais je me souviens à temps qu’il ne faut pas mettre la charrue avant les bœufs. Et c’est précisément ce qui arriverait si, ayant à vous parler de la langue internationale Espéranto, je ne vous disais d’abord ce qu’il faut entendre par langue internationale et pour quelles raisons l’on cherche une langue internationale.

Nous entendons par langue internationale, Mesdames et Messieurs, non point — ce qui serait absurde — une langue unique qui remplacerait les langues maternelles et serait imposée à tous les peuples, chose évidemment ridicule et chimérique, mais un idiome commun à tous les peuples civilisés, qui leur servirait de langue auxiliaire dans leurs relations réciproques, qui seraient pour chacun d’eux la seconde langue, la langue des relations internationales.

Il n’est pas un homme de bon sens, fût-il plaisantin de métier et misonéiste de tempérament, qui ne tombe immédiatement