Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/86

Cette page n’a pas encore été corrigée
— 76 —

Qu’on se tut un instant ; puis un léger murmure
S’élève… « Dąbrowski ! La chose est-elle sûre ?
« Dąbrowski ? D’Italie ? (i)… » A la fin, tous en chœur,
(On eût dit que ce chant jaillissait de leur cœur),
Tous d’une même voix s’écrièrent ensemble :
« En avant Dąbrowski ! (i) » Toute l’auberge tremble,
Tous s’embrassent ; le roi tatar, le villageois,
Poraj avec le Gryf[1], la mitre avec la croix.
Débats, rivalités, tout s’efface et s’oublie.
Tous chantent en criant : « Du vin, de l’eau-de-vie ! »

Robak pendant ce chant écoute assidûment.
Il l’interrompt enfin par un éternuement.
On se trouble, on se perd, on cherche la cadence
Mais en vain… et Robak en ces mots recommence :
« Vous vantez mon tabac, Messieurs ; mais voulez-vous
Regarder à présent ce que l’on voit dessous ? »
Ici, de son mouchoir frottant sa tabatière,
Il leur fait voir au fond peinte une armée entière
De soldats nains : au centre est un homme à cheval
Grand comme un hanneton, sans doute un général.
Il caracole : on voit sa redingote grise ;
Sa main gauche conduit, et sa main droite prise.
« Contemplez, dit Robak, ce cavalier fameux :
Qui de vous sait son nom ? » — Ils ouvrent de grands yeux. —
« Eh bien c’est l’Empereur ! Pas celui de Russie ;
« Aucun Tzar n’a jamais su priser de sa vie. »
— « En capote ? Un grand homme ! Un empereur encor !
« Je croyais qu’un grand homme était tout cousu d’or,
Dit Cydzik, « car le moindre adjudant moscovite,
Est jaune et reluisant comme une carpe frite[2]. »
— « Bah ! s’écria Rymsza, jadis étant enfant
J’ai vu Kościuszko célèbre et triomphant.
Ce grand homme portait l’habit de Cracovie,
« La czamarka. » — « Comment, la czamarka, s’écrie
Alors Wilbik, « son nom c’est la taratatka… »
— « Elle est sans brandebourgs ; c’est bien la czamarka, »
Appuya Mickiewicz. Et le débat s’allume
Sur la coupe de l’un et de l’autre costume.


[3]

  1. Autre nom de blason.
  2. « Comme un brochet dans le safran », dit exactement le texte. Qu’on nous pardonne la licence poétique de notre traduction.
  3. Ces mots sont empruntés au texte primitif du chant national : La Pologne n’est pas encore morte.