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Qui forme baldaquin ; leurs quatre ailes tremblantes
S’étendent dans les airs, légères, transparentes,
Tissu qui dans le ciel flotte invisiblement
Et qu’on ne reconnaît qu’à son bourdonnement.

La jeune fille agite en l’air comme un panache
Fait de plumes d’autruche et semble prendre à tâche
De préserver ainsi les petits enfants blonds
De ce ruissellement nacré de papillons.
Son autre main brandit une corne dorée
A nourrir les enfants sans doute consacrée :
Leurs bouches, en effet, y puisent tour à tour ;
La corne d’Amalthée eut jadis ce contour.

Dans ses soins maternels parfois elle s’arrête
Et vers les groseillers elle tourne la tête,
Ignorant que tout près l’envahisseur rampant
S’est à travers les blés glissé comme un serpent.
Des bardanes soudain il se dresse. Étonnée,
Elle voit à trois pas sa posture inclinée.
Elle se détournait, son corps s’était penché,
Elle allait s’envoler, pinson effarouché.
Déjà ses pieds légers glissaient sur le feuillage,
Quand les enfants qu’effraie et ce nouveau visage,
Et son départ subit, poussent un cri strident.
Elle comprend alors qu’il serait imprudent
De laisser des enfants si petits, seuls, en larmes :
Elle revient, domptant ses premières alarmes,
Comme un esprit qu’évoque un enchanteur puissant ;
Prenant le plus criard encor tout gémissant
Entre ses bras, près d’eux elle s’assied à terre
Et les caresse tous et leur dit de se taire.
Ils s’apaisent enfin et pressent de leurs mains
Ses genoux, s’abritant comme autant de poussins
Sous l’aile de leur mère… « Il faut donc que je gronde,
Dit-elle, vous criez à faire peur au monde :
Fi ! les vilains ! Monsieur n’est pas un vagabond ;
Il est très beau, voyez ! Et comme il a l’air bon ! »

Elle-même leva les yeux. Le Comte, aux anges,
Souriait, tout heureux, tout fier de ses louanges.
Elle se tut alors et sa confusion
Lui donna la rougeur de la rose en bouton.
C’était un beau jeune homme en effet. Son teint pâle
N’altérait point l’éclat de son visage ovale ;