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Il parait donc vêtu du frac à la française.
Ce n’est plus lui. Grand Dieu, qu’il est mal à son aise !
L’infortuné Régent semble avoir avalé,
Tant il est est compassé, roide,… un manche à balai.
Il va gauche, guindé, faisant des yeux de grue ;
Il n’ose saluer ; à peine s’il remue,
Lui le gesticuleur !… Il veut glisser sa main
A sa ceinture… Plus de ceinture ! Effort vain !
Il comprend son erreur, il se trouble, il accroche
Ses deux mains à la fois dans une seule poche ;
Puis, sous le feu croisé des quolibets joyeux,
Rougissant de son frac, il marche tout honteux.
Soudain il voit Maciej ; il devient blême, il tremble.

Le Notaire et Maciej étaient fort bien ensemble.
Mais Maciej fait alors des yeux si furibonds,
Que le pauvre Notaire attache ses boutons,
Craignant que sous le feu de ces yeux, son frac saute !
« Sot ! sot ! » cria Maciej par deux fois à voix haute ;
Et, tout scandalisé de ce déguisement,
Il se lève, il s’enfuit sans autre compliment,
Monte en selle et rejoint sa masure enfumée.

Du Notaire pourtant la tendre bien-aimée,
Télimène, étalait l’éclat de sa beauté,
Et son brillant costume à la mode ajusté.
Oh ! robe de gala, coiffure ravissante,
Vous décrirai-je ? Non, ma plume est impuissante.
Tulles, blondes, bijoux, cachemire, joyaux,
Visage au teint de rose, et regards sans rivaux,
Pour vous bien retracer il faudrait des pinceaux.

Le Comte a reconnu la charmante infidèle.
La main sur son épée, il s’élance auprès d’elle :
« En croirai-je mes yeux », dit-il. « Comment ? c’est toi !
Toi, qui presses la main d’un autre devant moi !
Créature traîtresse, âme vaine et volage !
Quoi ! Tu ne caches pas cet effronté visage ?
As-tu donc oublié nos serments et nos pleurs ?
Crédule que j’étais ! Je portais ses couleurs !
Mais malheur au rival qui perce ainsi mon âme !
Qu’il passe sur mon corps s’il veut t’avoir pour femme. »

Le Notaire à ces cris se trouble affreusement.
Le Président essaie un accommodement.