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Tout à coup Kniaziewicz la saisit dans ses bras,
Et, sur son front charmant l’embrassant comme un père,
La pose sur la table. Alors la salle entière
Retentit de bravos. Chacun est enchanté
Du charme de Zosia, de sa douce beauté,
Et surtout de l’habit villageois qu’elle porte.
Car ces chefs, qui, bravant des maux de toute sorte,
Ont erré si longtemps loin de leur sol natal,
Aiment par dessus tout l’habit national
Il leur rappelle, avec leur printemps matinal,
Leurs premières amours. Tous autour de la table
La contemplent, émus d’un plaisir véritable.
L’un lui dit de daigner lever un peu le front
Pour faire voir ses yeux ; un autre veut qu’en rond
Elle tourne… Zosia, toujours obéissante,
Tourne, tout en cachant sa face rougissante.
Thadée à cet aspect sourit avec fierté.

Qui Zosia sur sa mise a-t-elle consulté ?
Sans doute son instinct (toute femme est coquette
Et sait à son visage ajuster sa toilette).
Et, bien que ce matin pour son entêtement
Télimène ait grondé Zosia sévèrement,
Elle a mis, dédaignant une robe à la mode,
Son habit villageois plus simple et plus commode.

La robe en camelot vert que Zosia portait
Sur un long jupon blanc au genou ressortait
Par sa bordure rose. Un ruban rose passe
Sur son corsage vert qu’il enserre et qu’il lace,
Et qui semble une feuille où repose son cœur.
Ses manches à ses bras ont l’air, dans leur blancheur,
D’ailes de papillons s’envolant dans les nues,
Mais sont par un ruban au poignet retenues.
Son cou, par sa chemise étroite emprisonné,
S’élève sur son col d’un ruban rose orné.
Des noyaux travaillés pendent à ses oreilles.
Le jeune Sak est fier d’avoir fait ces merveilles ;
On y voit une flèche et deux cœurs enflammés
(Pour sa Zosia jadis Sak les a façonnés) ;
Un double collier d’ambre orne sa collerette
Et le romarin vert environne sa tête ;
Sur ses épaules vont tomber ses tresses d’or,
Et l’on voit sur son front briller, humide encor,
Sa faucille, parant la Nymphe diaphane,
Comme un croissant posé sur le front de Diane.