Page:Mickiewicz - Thadée Soplitza, trad. Gasztowtt.pdf/235

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 225 —

A quelque Musulman tué par la mitraille :
Assesseur, acceptez ma selle en souvenir ! »

Et l’Assesseur reprit, rayonnant de plaisir :
« Moi, c’étaient mes colliers que j’avais mis en gage.
Le prince Sanguszko m’en fit jadis hommage.
Ils sont en vrai chagrin avec des clous dorés :
J’y joins aussi ma laisse en soie, aux fils moirés ;
La pierre en est aussi splendide que l’ouvrage.
Elle eût de mes enfants complété l’héritage ;
(Car certes, j’en aurai : je prends femme en ce jour) ;
Mais, Notaire, acceptez ce meuble à votre tour.
Puisse-t-il compenser ce harnais magnifique
Et vous remémorer le débat homérique
Qui vient de s’achever avec autant d’honneur
Pour tous deux. Et restons bons amis, de tout cœur. »
Ils rentrent, et vont dire à la noble assemblée
Que des deux lévriers la querelle est réglée.

Ce lièvre, le Woïski l’avait dans la maison
Nourri, puis au jardin lâché, racontait-on,
Pour ramener l’accord par un succès facile.
A bien cacher son jeu le vieillard fut habile,
Car tout Soplitzowo demeura dans l’erreur.
Le marmiton plus tard par ce récit moqueur
Eût voulu du Notaire éloigner l’Assesseur ;
Mais personne ne crut à cette calomnie
Que le marmiton sème et que le Woïski nie.

Au préau du château les hôtes s’assemblant
Tout autour de la table attendaient en parlant.
Le Juge en uniforme alors fit son entrée,
Amenant par la main et Sophie et Thadée.
Le jeune homme, en portant sa main gauche à son front,
A ses chefs assemblés fait un salut profond.
Les yeux baissés, Sophie en rougissant s’avance,
A tous les invités fait une révérence :
(Télimène avec soin l’instruisit dans cet art).
Sa guirlande de fleurs attire le regard ;
Son costume est celui qu’elle avait à l’église
En déposant la gerbe à la Vierge promise.
Elle en apporte une autre aux brillantes couleurs,
En offre aux invités les herbes et les fleurs,
Et dans ses cheveux blonds ajuste sa faucille.
Les chefs prennent les fleurs de la Nymphe gentille,
Et lui baisent les mains en s’inclinant bien bas.