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Celle-là de Novi, cette autre encor d’Eylov ;[1]
Celle-ci, Korsakov m’en fit lui-même hommage
A Zurich ; cette épée est due à mon courage.
J’ai du Feld-Maréchal trois attestations,
Plus deux ordres du jour et quatre mentions,
Et le tout par écrit… »

Et le tout par écrit… » — « Mais, mon cher Capitaine, »
Interrompit Robak, « si ma prière est vaine,
Qu’allons-nous devenir ? Vous nous avez juré
D’arranger cette affaire… »

Et le tout par écrit… » — « Et je l’arrangerai, »
Dit Rykow, « sur l’honneur je le jure ici-même.
Messieurs les Polonais, voyez-vous, je vous aime,
Car vous êtes en temps de paix de bons vivants,
Et quand vient le combat des ennemis vaillants.
Notre proverbe dit : Qui va sur la charrette
Tombe parfois dessous. — Un jour on tient la tête
L’autre la queue. Ou bien : tu bats et l’on te bat.
Me fâcher pour si peu ! Rykow ? Un vieux soldat !
Il faudrait, ma parole, être atteint de la rage
Pour haïr ses vainqueurs. Nous eûmes de l’ouvrage
Sous Oczakow !… Zurich nous coûta bien du sang ;
Austerlitz m’enleva soixante hommes sur cent ;
Près de Racławice[2], malgré l’artillerie,
Votre Kościuszko faucha ma compagnie.
Mais je pris ma revanche à Maciejowitsé[3].
Je tuai de ma main deux nobles ; je blessai
Mokronowski[4] devant la ligne de bataille,
Lorsque, armé d’une faux, il bravait la mitraille.
Vous aimez la Pologne en fils, en orphelins !
Moi, Rykow, j’obéis au Tzar, mais je vous plains.
La Russie est au Russe ; à vous donc, pour bien faire,
La Pologne ; mais quoi ? Le Tzar veut le contraire. »

— « Capitaine ! » reprend le Juge, « nous voyons
« Que vous avez bon cœur et dans les environs

  1. On connaît les autres batailles : cette dernière est la fameuse bataille d’Eylau, dont le nom slave est Ilow.
  2. Victoire remportée par Kościuszko sur les Russes, le 4 avril 1794, et où les paysans cracoviens enlevèrent les canons russes, sans autres armes que leurs faux de travail relevées pour le combat.
  3. C’est la défaite de Kościuszko en octobre 1794, où il fut blessé et fait prisonnier, mais ne cria pas : Finis Poloniœ.
  4. Ardent patriote, vaillant soldat et lieutenant de Kościuszko en 1794.