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De voir les Dobrzyński si durement traités.
Ils ont tous oublié leurs animosités ;
Car si notre noblesse est fougueuse et rétive,
Elle ne fut du moins jamais vindicative.
Tous courent à Maciej dans ce pressant danger.
Maciej près des chariots leur dit de se ranger
Et d’attendre,

Et d’attendre, Robak dans le logis pénètre.
Malgré son froc, à peine on peut le reconnaître,
Tant son air est changé. Lui, toujours soucieux,
Pensif, il a levé la tête, et, tout joyeux,
Prenant d’un bon vivant la mine joviale,’
En riant aux éclats il entre dans la salle.
« Salut, salut ! Ah ! ah ! Parfait, messieurs, charmant !
C’est le jour que l’on chasse habituellement ;
Vous, vous chassez la nuit. Diantre, excellente prise !
Ne leur laissez, messieurs, ni veste ni chemise !
Serrez, serrez la bride à ces chevaux fougueux !
Bravo, major, bravo ! Le Comte avec ces gueux ?
Il est gras, ce petit Crésus de vieille souche :
De trois cents bons ducats il faudra qu’il accouche,
Et vous en donnerez quelque chose au couvent ;
Pour votre âme, Major j’ai prié si souvent !
Foi de quêteur, je pense à vous durant mes veilles.
La mort prend les majors aussi par les oreilles.
Baka[1] dit dans ses vers : la mort prend les héros
Petits et gros ; le froc reçoit aussi son choc ;
Sous la toile elle gobe, elle atteint sous la robe,
Et de sa faux énorme elle ouvre l’uniforme. »
Mon mignon », dit Baka, « la mort comme l’oignon
Fait pleurer qui l’embrasse et dans son bataillon
Prend le petit poupon et le gai compagnon. »
Oui, major, aujourd’hui l’on vit ; demain l’on saute.
Il n’est rien que manger et que boire. Hé ! notre hôte !
N’est-il point par hasard l’heure de déjeuner ?
Messieurs, à table ! Ici, nul ne doit se gêner !
Hé ! major, des zrazy ! Lieutenant, je propose
Un bon grand bol de punch ! Que dit-on de la chose ? »

  1. Versificateur célèbre par un poème humoristique et bizarre sur
    la mort, dont Mickiewicz nous donne ici un échantillon. Le titre est : Remarques sur la mort inévitable et commune à tous exprimées en vers par le P. Haka S. J., professeur de Poétique, et données à l’impression aux frais de Xavier Stefani, citoyen de la Ville de Vilna, pour le bien de l’âme du lecteur. 1766. (V. l’Histoire de la Littérature Polonaise, de Félix BENTKOWSKI. T. I, p. 489.