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Maciej dit le Cruchon[1], nom de sa carabine
A l’immense embouchure, au calibre si grand
Qu’elle semble verser les balles par torrent,
Criaient tous deux : «Bravo ! Maciej Saint-Jean-Baptiste ![2].
Le Prussien veut parler. On le hue… Il insiste,
On rit, on crie : « A bas le Prussien ! le trembleur !
Qu’il aille sous le froc se cacher, s’il a peur ! »

Alors le vieux Maciej relève encor la tête,
Et, de ces cris confus dominant la tempête :
« Vous riez de Robak, dit-il, vous avez tort.
Ce ver là de vous tous est encor le plus fort.
Un coup d’œil m’a suffi pour voir ce qu’il peut être,
A mon approche, il s’est détourné, le bon prêtre.
Il avait peur ; c’est moi qui l’aurais confessé !
Mais laissons en repos dormir le temps passé.
N’allez pas le chercher ; ce serait inutile.
Si ces bruits sont sortis de son cerveau fertile,
Qui sait quel est son but ? C’est un gaillard habile !
Mais si vous ne savez rien de plus, pauvres fous,
Pourquoi venir crier ici ? Que voulez-vous ?

— « La guerre ! » — « Contre qui ? dit-il, et parlez vite ! »
— « Contre qui ? mais parbleu contre le Moscovite ! »

Le Prussien cependant ne cessait de crier ;
Il obtient qu’on l’écoute à force de prier,
Et l’on entend percer sa voix criarde et grêle.

« Je veux me battre aussi, morbleu ! répétait-elle.
J’ai fait dans le Pregel, quoique sans goupillon,
Boire quatre Prussiens avec un aviron !
Ils voulaient me noyer, me trouvant le vin triste. »
— « Bartek est un luron… Bénir ! » dit Jean-Baptiste*
— « Mais, doux Jésus ! il faut pourtant savoir pourquoi
Et contre qui l’on va se battre : et dites-moi,
Reprit Bartek, comment entraîner le vulgaire
Si nous ne savons pas ce que nous voulons faire ?
Messieurs, il faut agir avec discernement
Et procéder toujours systématiquement.
L’usage veut d’abord que l’on se confédère ;
Sur l’endroit, sur le chef d’abord on délibère.


[3]

  1. Konewka.
  2. C’est notre Goupillon (Kropiciel) que le poète appelle ici Chrzciciel (mot à mot le baptiseur ou baptiste).
  3. C’est notre Goupillon (Kropiciel) que le poète appelle ici Chrzciciel (mot à mot le baptiseur ou baptiste).