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Eut grand peine, abordée aux rivages d’Afrique,
A se faire accorder par ce peuple inhumain
Ce qu’une peau de bœuf couvrirait de terrain :[1]
Sur ce terrain pourtant elle bâtit Carthage.
La nuit je méditai ce fait, en homme sage.

Le jour vient ; en voiture arrive Doweïko,
Et bientôt à cheval s’avance Domeïko :
Ils regardent et voient un pont sur la rivière,
Un pont velu, de peau d’ours coupée en lanière.
En tête je plaçai Doweïko d’un côté,
Domeïko sur la queue à l’autre extrémité.
Et maintenant, tirez ! dis-je, et grand bien vous fasse !
Mais avant de partir il faudra qu’on s’embrasse ! »
Eux de pester ; et tous de se tordre ; pour moi,
Aidé du bon curé, je leur cite la loi ;
Puis après le statut j’invoque l’Évangile.
Que faire ? On s’embrassa, grâce à mon bon Virgile.

De là naquit entre eux une amilié de coeur :
De Domeïko bientôt Doweïko prit la sœur ;
Domeïko prit aussi la sœur de son beau-frère ;
Puis en deux lots égaux ils partagent leur terre ;
Et, pour que de ce fait on se souvînt toujours,
Dans l’île ils ont bâti le cabaret de l’Ours. »



  1. La reine Didon fit découper en lanières une peau de bœuf, et enferma ainsi dans cette peau la vaste plaine où elle éleva Carthage. Le Woïski avait lu le récit de cet évènement non dans l’Enéïde, mais sans doute dans les commentaires des Scholiastes.