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le froment blanc sur ses champs, ni la vigne dans ses jardins ! »

J’aurais dû, avant, vous donner lecture d’un autre fragment qui ouvre la marche de l’action : c’est le message apporté par un faucon gris de la part de Notre-Dame de Jérusalem. Dans ce message on laisse au roi Lazare le choix entre le triomphe et la royauté de la terre, ou la mort et la royauté du ciel ; le roi se décide pour le ciel. Nulle part l’idée chrétienne, qui commence une série nouvelle de poëmes, n’a été si clairement, si franchement exprimée. On sait que chez les anciens, les héros étaient toujours des hommes heureux, riches, jouissant d’une bonne santé et de grandes forces physiques. Homère appelle partout les hommes riches et les hommes forts les enfants des dieux, ou les hommes aimés des dieux, tandis que dans le même poëte, les dieux détestent les hommes malheureux ; le malheur y est ordinairement la preuve de la disgrâce qu’on a encourue.

Cette idée sert de fondement à l’épopée grecque ; elle finit toujours où commence le malheur pour le héros. Chez les poëtes chrétiens, chez les Minnésin-gers et chez les trouvers, dont la poésie est moralement plus élevée et littérairement mieux développée que chez les Slaves, l’idée fondamentale chrétienne, la réhabilitation du malheur n’est pas aussi clairement expliquée.

L’idée de dévouement absolu appartient à l’épopée slave, qui n’est que l’histoire de grands malheurs, de grands désastres. Le triomphe est dans le