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Homérides ; le style en est éminemment épique. Si l’ode, si la poésie lyrique paraissent avoir régné chez les Scandinaves, si la poésie lyrique moderne, cet élan vers l’inconnu, vers les régions fantastiques, semble avoir été créée par la race germanique, la poésie épique moderne est surtout slave.

Nous retrouvons dans la poésie slave cette haute impartialité qu’on admire dans Homère, et même une espèce d’impartialité religieuse, malgré l’attachement des Slaves à la cause et à la doctrine nationale. Il est curieux de comparer, avec les traditions sur les Homérides, tout ce que nous savons sur la manière dont s’est créée la poésie serbienne.

En général elle est composée de fragments divers, de récits de circonstances, d’événements qui n’ont entre eux aucune liaison immédiate, mais qui se rattachent à un événement principal. Dans ces récits reviennent toujours quelques strophes, quelques formules acceptées par tout le peuple, qu’on apprend par cœur, et qu’on cherche à intercaler partout.

En répétant ces récits, le peuple ajoute quelques strophes de sa façon, en retranche plusieurs ; il les transforme ainsi à chaque époque. Il est impossible maintenant de distinguer ce que, dans la poésie serbienne, il y a d’ancien d’avec ce qu’on y a ajouté plus tard. Ce travail continuel épurait les récits, en retranchait tout ce qui paraissait maniéré ou qui était trop individuel ; c’est, en effet, la seule poésie qui n’ait pas de manière, de formules. Chez les Grecs, la poésie homéride avait cette qualité qui,