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latinité comme sous un voile transparent, laissent découvrir toutes les allures, tout le caractère de la vraie langue polonaise. Gallus était le chapelain de Boleslas iii. Pendant la paix comme pendant la guerre, il menait une vie active auprès du roi ; il avait visité les pays étrangers ; il avait fait même le voyage de la Terre-Sainte. Tout révèle en lui un homme d’une nature mobile et d’un esprit poétique. Son œuvre tient le milieu entre la chronique et le poème. Il raconte la naissance et les hauts faits de son monarque ; mais il n’arrive pas jusqu’à sa mort. Chacun de ses chapitres commence par une invocation poétique, et se termine ordinairement par une prière. Il mele à son récit des traductions des chants guerriers des Allemands et des Slaves. D’ordinaire, il est gai, plein de saillies, d’un esprit enjoué ; quelquefois il pèche contre la vérité par ses exagérations, mais jamais il ne perd de vue l’unité de son sujet ; son œuvre forme un ensemble géographique et historique. Quoiqu’il se serve de la langue latine, la langue polonaise semble résonner perpétuellement à ses oreilles. Sa versification se ressent des cadences de ces chants nationaux d’église qui se sont conservés dans nos vieux cantiques. Le mot patrie se trouve sans cesse sous sa plume, et il le prend déjà dans son acception la plus large. Un critique polonais, qui comprend rarement l’histoire de sa nation, a su pourtant remarquer que la patrie, dans Gallus, ne signifie pas uniquement la terre polonaise ; et, en réalité, Gallus renferme déjà dans ce mot toutes les tendances de la nation, toutes ses libertés et toute sa gloire.