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flambeaux vers son dernier gîte. Celait par une belle nuit de mai. La lune, cachée derrière les nuages, éclairait doucement la procession funèbre. Sur la route, les vergers secouaient leur neige et leurs parfums. Jamais, raconte sa belle-sœur, je n’entendis les rossignols chauler aussi longuement et d’une voix aussi pleine. Lorsqu’on atteignit la fosse, les vapeurs se déchirèrent; l’astre nocturne apparut dans toute sa grâce mélancolique, et ses rayons illuminèrent le cercueil. On eût dit que la nature voulait rendre ses adieux au poète.

Schiller laissa quatre enfants. Sa petite maison a été vendue. Un propriétaire sans intelligence en a banni tous les souvenirs du grand homme. J’ai vu le lit sur lequel il expira: il gisait parmi des ustensiles rouillés, des boîtes difformes et des planches vermoulues. On négligeait un meuble sans apparence que ne distingue ni le bois, ni le travail: quelque jour cette relique touchante allumera le foyer de l’acquéreur. Ah ! petite maison aux persiennes vertes, combien tu m’as réjoui! combien tu m’as attristé !

Schiller était grand, svelte, d’une tournure quelque peu militaire. Il avait la figure couverte de taches et les cheveux roux, comme Sylla, Wallenstein et le duc de Guise. Son regard devenait brillant, quand il parlait. Dans les circonstances ordinaires il exprimait une douce mélancolie et semblait dirigé vers l’intérieur plutôt que vers le