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que celle perpétuelle contrainte ail soulevé une tempête dans son âme irascible, et que l’orage se soit annoncé par un cri de fureur? Il conçut naturellement un amour sans bornes pour la liberté qu’on lui ravissait.

Mais la haine du joug social, le désir d’un affranchissement illimité, ne se démènent point seuls dans cet ouvrage lugubre. Il s’y joint un incroyable mépris des hommes, mépris du juriste qui vend la loi, de la femme qui vend son cœur, du prêtre qui vend son dieu. Ainsi, dès le premier acte, Charles Moor raille ses contemporains. Il leur jette au visage leur bassesse et leur infamie. « Ignobles drôles qui flattent un décrotteur s’il peut les proléger auprès de Son Excellence, el tournent en ridicule le pauvre diable qu’ils ne craignent point; adorent le riche pour un bon repas, el empoisonneraient un ami pour une guenille ; tombent en syncope, lorsqu’ils voient saigner un poulet, et battent des mains, si leur concurrent fait banqueroute. » Le tableau est un peu sombre; l’exagération y abonde. Néanmoins Schiller le croyait fidèle; lasociélé lui apparaissait sous ce jour livide. Comme beaucoup de grands écrivains, il dut à la misanthropie sa faiblesse en même temps que sa puissance. Les individus les plus nobles sont la proie sur laquelle fond ordinairement ce vautour. Ils sentent dans leur cœur toule la dignité de la nature humaine; le beau,