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C’est dans ce pays d’élite que devait naître Schiller. Assez fertile pour récompenser dignement le laboureur, il n’offre point à l’imagination des beautés décourageantes ; il ne fait point sentir à l’homme son néant et sa misère. La nature fléchit encore sous sa main opiniâtre ; il a conscience de sa grandeur et s’élance au-delà du monde étroit qui l’environne. Or, la noblesse distingue précisément l’ancienne poésie souabe entre toutes ses contemporaines. Quand les joies terrestres laissent dormir la guitare du minnesœnger, une fière dévotion leur succède. « On ne peut trop admirer, dit M. Rosenkranz, l’énergie avec laquelle ces chanteurs passionnés expliquent l’intime ressemblance de l’homme et de son créateur. Leur audacieuse contemplation franchit les espaces ; elle va chercher dans l’essence infinie les preuves de notre identité. » Nous verrons cet orgueil spéculatif enivrer aussi Schiller, et se faire continuellement jour à travers ses paroles. Son inspiration, il est vrai, ne porte plus la robe virginale des cloîtres ; mais elle n’a perdu ni sa chasteté, ni ses élans pleins de foi. Les intérêts quotidiens appellent toujours sur sa lèvre un sourire moqueur.

Jean-Frédérick-Christophe Schiller naquit le 10 novembre 1759, àMarbach, petite vjlle située près du Neckar, dans le duché de Wurtemberg. Son père, homme actif, loyal et résolu, avait servi comme chirurgien dans les Pays-Bas, puis en Bohème,