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LES FEMMES DE LA RÉVOLUTION

même ; il ne sera pas longtemps prêtre ; c’est lui qui écrit l’acte, le copie, le notifie à l’Assemblée nationale. Il est l’agent de l’affaire, comme la dame en est le centre. Par lui, cette société est complète, quoiqu’on n’y voie pas le personnage qui est la cheville ouvrière de toute société semblable, l’avocat, le procureur. Prêtre du Palais de Justice, de la Conciergerie, aumônier des prisonniers, confesseur des suppliciés, hier dépendant du Parlement, jacobin aujourd’hui et se notifiant tel à l’Assemblée nationale, pour l’audace et l’activité, celui-ci vaut trois avocats.

Qu’une dame soit le centre de la petite société, il ne faut pas s’en étonner. Beaucoup de femmes entraient dans ces associations, des femmes fort sérieuses, avec toute la ferveur de leurs cœurs de femmes, une ardeur aveugle, confuse d’affection et d’idées, l’esprit de prosélytisme, toutes les passions du Moyen-âge au service de la foi nouvelle. Celle dont nous parlons ici avait été sérieusement éprouvée ; c’était une dame juive qui vit se convertir toute sa famille, et resta israélite : ayant perdu son mari, puis son enfant (par un accident affreux), elle semblait, en place de tout, adopter la Révolution. Riche et seule, elle a dû être facilement conduite par ses amis, je le suppose, à donner des gages au nouveau système, à y embarquer sa fortune par l’acquisition des biens nationaux.

Pourquoi cette petite société fait-elle sa fédération à part ? c’est que Rouen, en général, lui semble trop aristocrate, c’est que la grande fédération des soixante villes qui s’y réunissent, avec ses chefs, MM. d’Estouteville, d’Herbouville, de Sévrac, etc.,