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MAMELI

Eschyle jouait lui-même sur le théâtre les Perses qu’il avait vaincus, jamais peut-être l’histoire, vivante et palpitante, n’avait paru ainsi sur la scène. Ce beau jeune homme, hier soldat de la liberté italienne, aujourd’hui son chantre, son poète, et la défendant de ses larmes, en arracha à tout le peuple.

Mais, dans cette douleur même, pour tout homme qui embrassait la destinée de l’Italie, il y avait aussi de la joie. En songeant que, pendant tant de siècles, la vie de Gênes ne fut rien que la guerre contre Venise, pouvait-on ne pas admirer la différence des temps ! N’était-ce pas un beau spectacle de voir ce blond fils des doges, aimable et délicate fleur de l’Antiquité, qui venait pleurer sur Venise ; et le peuple entier de Gênes applaudir la gloire vénitienne, s’associer d’un cœur ardent à la grandeur de ses anciens ennemis, et les embrasser fraternellement dans la pensée de la patrie nouvelle ?

Cette patrie, la vraie, la grande, celle qui définitivement doit rallier un jour l’Italie, la patrie républicaine, elle avait apparu dès le 3 août, aux portes de Milan. Garibaldi était à Bergame, avec quatre mille Lombards républicains ; il eut l’idée audacieuse de pousser en avant et d’aller vers Milan même. Une bannière nouvelle bottait, avec cette devise Dio e Popolo. Dans cette marche forcée apparut, la carabine sur l’épaule, l’homme qui, de ses écrits, de sa parole, fut si longtemps la conscience de l’Italie républicaine. On reconnut Mazzini. Une acclamation unanime salua le grand Italien, et on lui remit le drapeau.