Page:Michelet - OC, Les Femmes de la Révolution, Les Soldats de la Révolution.djvu/437

Cette page a été validée par deux contributeurs.
435
MAMELI

paya deux milliards à l’Autriche ! Les couvents du Piémont, en quinze ans, se firent donner cent millions par l’État !… Parlons plutôt de l’appauvrissement des âmes, de la ruine des consciences, de l’effort continu, persévérant, systématique, pour dégrader les hommes.

Toutes les forces publiques combinées pour l’espionnage, pour rendre tous espions, pour imposer la lâcheté, pour inculquer la peur : peur d’être lâche et peur de ne pas l’être, peur de paraître avoir eu peur. Tous craignant tous et s’en défiant chacun travaillant à toute heure à parler peu, à n’agir point, à s’annuler lui-même.

Comment l’Italie a-t-elle résisté à cette terrible éducation de la bassesse ? Comment a-t-elle gardé en dessous des forces cachées, secrètes, qui, un matin, jaillirent en prodigieuses étincelles et firent, voir aux tyrans consternés, au-dessus de leurs têtes, tout un volcan de flammes vengeresses ? Grand problème ! Une telle éducation brisa le caractère espagnol au seizième siècle, transforma en espions tout un peuple chacun se fit honneur d’être familier de l’Inquisition.

Il faut en remercier d’abord le grand passé de l’Italie, les grands morts italiens, qui, du fond de leurs urnes, ont toujours prêché à voix basse, jamais ne se sont tus. Les sbires et les soldats d’Autriche erraient le jour et remplissaient les rues ; mais, la nuit, c’étaient les héros de l’ancien temps, les nobles génies du nouveau ; leurs ombres hantaient les villes. Ils ne permettaient pas que l’on dormît.

La nature italienne aussi a en soi une chose heu-